Il faut rendre hommage au fables qui charmèrent notre enfance, car elles témoignent d’une pérennité dans le temps qui nous ferait sourire, si elles ne soulignaient pas aussi parfois la médiocrité de la nature humaine, et ce, même chez les grands. Ainsi, grâce à l’élection d’Obama, la fable la grenouille et le bœuf, a-t-elle été actualisée par notre bon roi qui a déclaré « Avec Obama nous nous attaquerons aux réformes que tous les peuples du monde attendent de nous. » Voilà un nous qui témoigne de l’extrême modestie de notre Badinguet le deuxième. Nous savions déjà tout lui devoir, mais il est temps que l’hôte de la maison blanche et la terre entière prennent la mesure de son indispensable génie. Rien ne se fera sans lui et tout se fera grâce à lui. Mais bon, si le monde l’occupe, il pourrait être moins omniprésent chez nous, et il me semble que nous en serions soulagés.
Qu’on aime ou non le personnage, force nous est de reconnaître son énergie et sa forme olympique, même si, l’idée de sa proximité avec le discobole grec implique une imagination de science-fiction. Par la grâce de la presse anglo-saxonne, nous avons découvert que notre Nico devait tout à sa coach de remise en forme, Julie Impériali la bien nommée, car quand on drive un tel roitelet, le moins est d’avoir un nom impérial. De plus, les propos de la donzelle éclaire d’un jour singulier le caractère de notre premier consul. Les dires de la Julie Impériali projètent sur son élève un éclairage que même un malfaisant comme moi n’aurait pas osé. « Chez l’homme, a-t-elle déclaré, la forme et l’énergie sont dans le périnée. Il faut renforcer cet organe, sinon, on risque l’agitation, l’incohérence et la dispersion. Le remède, c’est le périnée. Plus on est déséquilibré et mentalement fragile, plus cela s’impose. Pour ce faire, entre autres exercices, mes élèves serrent un gros ballon entre leurs cuisses, et ils sautent autant qu’ils le peuvent en avançant. Parmi tous les bénéfices qu’apporte cet exercice, j’ai constaté qu’il était un remède très efficace contre l’éjaculation précoce. » Allons bon ! Nous savions que notre Nicolas était un rapide, mais nous n’aurions pas pensé à cet aspect intime de son speed. Mais bon, si ce problème existe, il peut laisser Carlita sans voix, mais il ne nous regarde pas. Par contre, voir Sarco avec son ballon rejouer une scène du dictateur de Chaplin, provoquerait chez moi, j’en suis sûr, l’effet immédiat que déplore la dame, et ne lui en déplaise, je ne m’en plaindrais pas. Aussi, qu’on se le dise, je suis preneur de toutes photos ou films montrant notre roi sauteur sur sa mappemonde dérisoire.
Mais revenons à Comanche. Après avoir fait le mois dernier, le portrait de Nathalie Miravette, l’équité me contraint à faire celui de Pierre Margot, tâche plus ingrate certes, mais riche d’une signification tant sociale que biogénétique. Fruit d’une erreur naturelle et d’un concourt de circonstance, Pierre Margot, de son vrai nom Vabé Loupastiss, tel Jésus-Christ, naquit sur la paille, non dans une étable, mais au cœur même du jardin des plantes. En effet, sa mère, Zézètte Loupastiss, y était préposée à l’entretien des cages animalières. Malgré une grande propension à justifier son patronyme, ou peut-être même à cause de cela, la direction du jardin des plantes n’avait qu’à se louer de son travail, car sa proximité avec les animaux était si évidente que Zezette Loupastiss prétendait comprendre et parler tous les langages animaliers. C’était surtout vrai au delà du huitième jaunet, si bien que la direction prenait à sa charge sa bouteille de liqueur quotidienne. Ainsi, elle avait apaisé une révolte chez les gorilles et, à la stupéfaction de tous, une querelle volubile dans la volière exotique. Pourtant tout se gâta avec l’arrivée des bonobos. Zezette ne les aimait pas et plus particulièrement le mâle dominant. Zézètte l’agressait sans cesse, « Tu me rappelles un homme de ma jeunesse, un connard qui ne buvait que de l’eau. » Cela mettait le bonobo hors de lui. Qu’on le traite de connard passe encore, mais qu’on ose le comparer à un humain était pour lui d’un mépris insupportable. Hors chacun sait comment les bonobos résolvent leurs querelles. Aussi, alors que Zézètte nettoyait la cage, le bonobo s’approcha et Zézètte d’abord surprise, trouva qu’un être aussi habile et imaginatif, ne pouvait pas être un connard. A quelques temps de là naquit Vabé loupastiss, qui se fit appeler plus tard Pierre Margot. Même si certains moins scrupuleux que moi seraient tentés de le faire, je me garderai d’établir un lien entre lui et l’aventure simiesque de Zézètte. Cependant, l’honnêteté m’oblige à dire qu’après quelques mésaventures douloureuses, toute l’équipe de Comanches, évite prudemment d’avoir la moindre querelle avec lui. Sauf une personne que je ne dénoncerai pas, aucun de nous n’apprécie son sens de la réconciliation. C’est une explication que je vous devais pour que vous compreniez pourquoi à Comanche, Pierre Margot peut dire et chanter n’importe quoi sans que nous intervenions. Mais nous ne sommes pas sectaires. Il en est peut-être parmi vous, qui souhaiteraient se disputer pour avoir le bonheur d’une franche réconciliation avec lui. La comptabilité de Comanches étant ce qu’elle est, les amateurs pourrons, moyennant une participation modeste mais bienvenue, s’inscrire à la caisse du théâtre. Ensuite, ils s’approcheront de Pierre et ils lui diront, « toi grand singe, moi humain. » Après un grincement de dents, son besoin de réconciliation aura sur vous un effet qu’il vous appartiendra d’apprécier. Sur ce, pour ma part, je veux dire ici que je trouve Pierre Margot en tout point parfait, et je me retire avec un respect tel que jamais, au grand jamais, comme face à la reine d’Angleterre, je n’aurai l’insolence de lui tourner le dos.
Georges de Cagliari